CHAPITRE XI
Occupation de Borleias, trente-neuvième jour
— Mon nom est Sharr Latt, dit l’homme. Je suis un Spectre.
Sharr était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne. Ses cheveux, presque blancs, arboraient une coupe fantaisiste. Sur son visage de comédien prêt à tout pour amuser son audience, ses yeux bleus pétillaient d’ironie…
Il portait un pantalon rouge, une chemise bleue et des bottes. Un long morceau de tissu rouge, plus décoratif que fonctionnel, lui servait de ceinture. Un bandeau de la même couleur ceignait son front. Son accent rappelait celui des quartiers populaires de Coruscant, et son sourire paraissait dissimulateur ou moqueur – parfois les deux.
Jaina jeta un coup d’œil au compagnon de Sharr : un Gamorréen. Un de ces êtres au corps lourd qui servaient partout dans la galaxie de gardes, de chair à canon ou d’ouvriers à bas prix. Il était vêtu de vêtements bruns à la mode humaine.
— Et lui, c’est un Spectre aussi ? plaisanta Jaina.
— Absolument, répondit le Gamorréen.
Jaina sursauta. La plupart des Gamorréens comprenaient le basique, mais leurs cordes vocales, inadéquates, ne leur permettaient pas de parler.
— Mon nom est Voort saBinring. Mais appelez-moi Piggy.
Une inflexion mécanique, dans la voix de Piggy, laissait penser que ses cordes vocales avaient été modifiées…
Voilà qui expliquerait le mystère, pensa Jaina.
Elle serra la main aux deux Spectres, souriant pour masquer sa déconfiture, puis demanda :
— Alors ? Que faisons-nous aujourd’hui ?
Sharr désigna la jungle derrière la fenêtre teintée de bleu.
— Nous allons dans la forêt, nous trouvons un lac souterrain et nous nous baignons tous les deux, nus, pendant que Piggy monte la garde… (Il soupira.) Ou alors, nous discutons des méthodes de guerre psychologique appliquées aux Yuuzhan Vong…
— Je choisis la guerre psychologique, dit Jaina en souriant.
— Je m’en doutais. Et puisque Piggy n’a pas à monter la garde, il va vous parler de tactiques de combat spatial.
Jaina jeta un coup d’œil méfiant au Gamorréen.
— Vous avez été pilote ?
Le Gamorréen acquiesça, faisant vibrer ses bajoues.
— En effet. J’ai servi sous les ordres de votre père pendant une de ses campagnes.
— Oh, fit Jaina. Je crois qu’il m’a parlé de vous, quand j’étais très jeune. Dans un de ses contes moraux sur le thème « il suffit de vouloir pour pouvoir »… Le Gamorréen devenu pilote de chasse. Et moi qui croyais qu’il avait tout inventé…
— Je me suis montré plutôt discret depuis. Il y a longtemps que je n’ai pas pris les commandes d’un chasseur…
— Alors peut-être n’avez-vous pas beaucoup de tactiques à m’apprendre.
Le Gamorréen sourit, le mouvement révélant ses dents, plus propres et plus droites que celles de la plupart de ses congénères.
— Je pourrais vous surprendre.
— Vous avez plutôt fait du bon travail dans l’Amas de Hapès, dit Sharr.
Ils étaient tous les trois sur le toit du bâtiment de biotique. A leurs pieds se trouvaient les terrains d’atterrissage ; plus loin, la jungle s’étendait jusqu’à l’horizon. Le soleil de l’après-midi chauffait dur, mais Jaina appréciait cette température après le froid de l’espace qui lui avait glacé les os lors de sa mission du matin.
Des observateurs yuuzhan vong les espionnaient sûrement, mais Jaina n’était pas en danger. Les Vong n’employaient pas de snipers.
— « Plutôt bon », répéta Jaina. Ce qui veut dire que j’aurais pu faire mieux.
Allongée sur le plus haut massif de permabéton du toit, elle observait les vaisseaux, dans l’aire de réparation où les mécaniciens travaillaient sur le Temps Record. Sous ses pieds, la surface du toit vibrait légèrement… sans doute le mécanisme d’aération.
Sharr, adossé à un bloc plus petit, l’attention concentrée sur son databloc, fit un signe de tête en réponse. A quelques mètres de là, Piggy était étendu aussi, les yeux clos. Il avait enlevé sa chemise et son ventre était si rond, pensa Jaina, qu’il aurait pu servir de terrain atterrissage à un landspeeder. Elle joua un instant avec l’idée de peindre une cible dessus.
— Comment ? insista-t-elle. Comment aurais-je pu faire mieux ?
— Vos idées sont bonnes, dit Sharr en levant les yeux vers elle. Mais elles devraient être plus travaillées. Vous trouvez un… un « truc » et paf, voilà les Yuuzhan Vong étonnés, ou morts. Vous en faites un deuxième… et vous vous arrêtez là. C’est une erreur. Vous auriez dû enchaîner idée après idée, comme si vous en aviez une réserve infinie… Voilà ce que les Vong attendent de leur déesse de la tricherie.
« Le deuxième problème, continua Sharr après une courte pause, c’est que l’ennemi finira par comprendre vos « trucs ». Par exemple… le coup des traceurs, où vous vous êtes débrouillée pour que tous les vaisseaux vong émettent la signature de votre vaisseau, si bien qu’ils se sont éliminés les uns les autres… Du beau boulot. Mais si vous aviez placé dans chaque traceur une petite charge explosive laissant derrière elle la trace d’un tir de laser, jamais ils n’auraient compris ! Et cette incompréhension, alliée à la peur, les aurait remplis d’une terreur surnaturelle…
— « Terreur surnaturelle », répéta Jaina en souriant. J’aime cette expression.
Elle réalisa avec une certaine satisfaction qu’elle ne prenait pas ombrage des critiques de Sharr. Au contraire, elle avait envie d’apprendre.
— Nous ne voulons pas leur faire croire que vous êtes liée à Yun-Harla, ou que vous êtes une de ses prêtresses… mais que vous êtes la déesse elle-même. (Sharr ferma son carnet électronique pour le ranger dans sa poche.) Vos actes doivent toujours renforcer cette impression, même de manière mineure. Comme maintenant, par exemple.
Jaina lui jeta un regard étonné.
— Maintenant ?
— Une déesse ne travaille pas. La preuve, vous êtes là, sur le toit, en pleine vue des Vong, à ne rien faire alors que les pilotes et les mécaniciens s’activent sous vos pieds. Une déesse est supérieure au commun des mortels. Vous êtes allongée plus haut que nous, vos faibles compagnons… Et en parlant de compagnons, une déesse se doit d’en avoir d’étranges. Comme un Gamorréen et un bouffon affublé d’un costume aux couleurs si brillantes qu’elles donneraient la nausée à tout être normalement constitué…
Avec un frisson d’horreur, Sharr jeta un coup d’œil à sa propre tenue.
— Je comprends, dit Jaina. Et voilà pourquoi Piggy nous accompagne, alors qu’il n’a pas encore parlé de tactiques spatiales…
— Vous avez tout compris, dit Sharr. A partir d’aujourd’hui, il faudra mettre en scène chaque minute de vos journées. Nous allons arrêter de répéter que vous êtes une déesse. Nous vous traiterons comme telle, et vous jouerez le jeu.
— Ne demandez jamais gentiment quand vous pouvez donner un ordre, dit Piggy.
— Ne travaillez jamais, ajouta Sharr. Sauf s’il s’agit d’une tâche que Yun-Harla pourrait entreprendre. Par exemple, préparer des « coups ». Mais ne portez jamais de charges… même pas des sacs ou des vêtements. Nous vous attribuerons un porteur si vous ne voyez personne qui le fera pour vous.
— Ne soyez pas discrète, ajouta Piggy. Que vos gestes soient larges, généreux, comme si vous conduisiez un orchestre.
Jaina grimaça.
— Les autres me détesteront. Ils penseront que je me sens supérieure…
— En effet, dit Sharr avec un sourire… sincère celui-ci, même si on y lisait encore un peu d’ironie.
— Mais en privé… ?
— En privé, reprit Piggy, continuez la comédie. A moins que vous soyez avec quelqu’un à qui vous fassiez entièrement confiance.
— Non, dit Sharr. Même dans ce cas. Jaina ne doit pas…
— Si, elle le peut.
— Je suis l’expert, et je déclare que non.
— Je fais trois fois ta masse, et je peux t’arracher la tête d’un coup de dents. Je déclare que oui.
— Excusez-moi ! coupa Jaina, énervée. Je suis là aussi ! Devant vous !
Piggy ouvrit les yeux et la regarda, puis il échangea un coup d’œil avec Sharr.
— Là, elle nous a eus.
— Elle est en effet bien là.
— Ecoutez, Votre Grandeur…, commença Sharr.
— Ne m’appelez pas ainsi.
— Nous le devons tous ! Voilà pourquoi il ne faut vous confier à personne… Les Yuuzhan Vong ont forcément des espions dans la place. Plus il y aura de monde informé que vous n’êtes pas réellement arrogante comme une princesse kuati, plus il y aura de chance que ces espions l’apprennent. Plus vous mettez de personnes dans le secret, plus le risque augmente…
— Le général Antilles a déjà sorti l’Escadron Soleils Jumeaux de la structure de commandement classique, ajouta Piggy. Ce qui est logique – une déesse n’aurait pas de rang officiel dans la hiérarchie de la Nouvelle République.
Sharr sortit son databloc et y tapa quelques mots.
— Ce qui veut dire que vos pilotes peuvent être appelés par leurs titres, quand ils en ont. Colonel Jagged Fel. Maître Jedi Kyp Durron. (Il fronça les sourcils et ajouta :) Mieux que ça. Kyp Durron, le Destructeur de Mondes. Qui obéit à Jaina. Les Yuuzhan Vong trouveront ça significatif. Qu’en pensez-vous ?
Jaina sourit. Si un ennemi l’observait avec ses systèmes optiques organiques, elle espérait que son expression paraîtrait aussi maléfique que possible.
— Vous avez parlé d’un porteur. Ai-je le droit de le choisir ?
Sharr acquiesça.
— Etre une déesse a certains avantages…
— Non, dit Jag Fel.
Il n’avait pas élevé la voix et ne leur avait pas adressé un regard, concentré sur le tableau de bord où il réglait ses lasers.
Autour de lui, les mécaniciens travaillaient sur des chasseurs endommagés, des pilotes décollaient à bord de leurs navettes et des messagers passaient à toute vitesse sur leurs landspeeders. La cacophonie assurait la discrétion de leur conversation.
— C’est important, dit Sharr, s’adossant au vaisseau. (Jag le foudroya du regard et il s’éloigna de la coque.) Ne nous sortez pas une excuse bidon simplement parce que vous êtes trop orgueilleux pour accepter. Des vies sont en jeu.
Jaina sourit. Elle se tenait à quelques pas – une déesse ne s’abaissait pas à discuter avec de simples mortels. Puis elle leva une main devant son visage, comme pour regarder ses ongles. Les espions, s’il y en avait, ne remarqueraient pas qu’ils étaient courts, mal coupés… et sales, ne put-elle s’empêcher de constater.
— Je serais heureux de jouer un rôle dans une stratégie bien établie…, répondit Jag. Si c’était la meilleure solution possible.
Il se redressa et ferma l’écoutille. Ignorant Sharr, il s’adressa directement à Jaina.
— Il y a un meilleur plan. Tu n’as pas assez réfléchi.
Jaina lui jeta un regard glacé.
— Si. Tu ne veux pas obéir, c’est tout.
— Non. J’ai une meilleure idée.
Sharr ricana.
— Un meilleur plan que celui concocté par un chevalier Jedi et un expert en guerre psychologique ?
— Kyp Durron. (L’expression de Sharr changea alors qu’il étudiait la suggestion.) Pour les espions yuuzhan vong – s’ils existent – je suis un inconnu. Un pilote venant d’un endroit qu’ils ne connaissent pas encore. Mais le Maître Jedi Kyp Durron… lui, ils le connaissent. Le voir s’incliner devant Jaina, porter ses bagages, lui nettoyer les ongles… l’effet voulu sera atteint.
Jaina baissa ses mains, tentant de dissimuler la lueur offensée, dans ses yeux. Elle n’y réussit pas entièrement.
— Un Maître Jedi s’inclinerait seulement devant une déesse, ajouta Jag. Des rumeurs commenceront à courir… et pas seulement chez les Yuuzhan Vong.
Sur ce, Jag se retourna vers son tableau de bord et ferma son panneau.
Ce geste signalait la fin de la conversation. Mais partir maintenant serait admettre la défaite. Jaina attendit d’être certaine de pouvoir contrôler le ton de sa voix puis la baissa de quelques octaves, comme le faisait Leia quand elle négociait.
Elle fit un pas vers Jag.
— J’aimerais que tu me fasses un rapport écrit détaillé sur les événements des deux derniers jours. Nous pourrions tous apprendre à sauver des êtres perdus dans l’espace par quelques habiles manœuvres…
Jag rangea sa clé hydraulique dans sa ceinture, se tourna vers elle et effectua un petit salut, si parfait et si méticuleux que Jaina n’y détecta aucune trace de mauvaise volonté.
— A vos ordres.
Jaina lui rendit son salut, tourna les talons, et repartit vers le bâtiment principal.
Sharr la rejoignit.
— Je le connais depuis cinq minutes et je le déteste déjà, murmura-t-il.
Jaina soupira. Malgré son irritation, elle devait admettre – au moins intérieurement – que Jag avait raison.
— Oh, il a ses bons côtés…
L’expédition de Luke vers Coruscant s’organisa très vite.
Iella offrit ses services aux Spectres, la cellule d’espionnage la plus expérimentée de Borleias. Luke rencontra Face Loran, le chef de leur unité. Il connaissait déjà Kell Tainer.
Face lui fit rencontrer les autres Spectres présents sur Coruscant lors de sa chute.
Elassar Targon était un Devaronien entre deux âges, mais la légèreté de son pas donnait l’impression qu’il était plus jeune que ça. Il portait une veste militaire, noir brillant avec des bords dorés, des boutons rouges et de nombreuses médailles.
— Pour éloigner la malchance, dit-il en voyant que Luke le regardait. Vous devriez essayer. Ça marche.
Mais les autres vêtements d’Elassar – sa chemise, ses pantalons et ses bottes – étaient d’un noir mat. La veste devait être réversible, pensa Luke. Elassar savait sûrement se fondre dans la foule en cas de besoin.
Baljos Arnjak était un humain. Il avait l’accent net et précis d’un natif de Coruscant, ou de quelqu’un qui faisait semblant de l’être. Grand et mince, avec des cheveux noirs, il portait une moustache et une barbe qui rendaient livide sa peau déjà pâle. Sa combinaison, tâchée, était celle d’un mécanicien, mais Face le présenta comme un expert en biologie… Un homme ayant un savoir comparable à celui de Danni Quee en technologie yuuzhan vong.
Piggy saBinring était le pilote gamorréen assigné à Jaina pour lui faire améliorer ses tactiques spatiales. Sans doute le seul Gamorréen à posséder de telles capacités, il avait été modifié dans son enfance par un biologiste travaillant pour le seigneur de guerre Zsinj. Il avait modifié son cerveau, le dotant de patience et de capacités extraordinaires en mathématiques, indispensables quand on voulait apprendre les théories d’astronautique et d’astronavigation nécessaires pour devenir pilote de chasse.
Sharr Latt, un natif de Coruscant, devait également aider Jaina à rentrer dans son rôle de déesse de la tricherie. Sharr et Piggy revenaient d’ailleurs d’une séance de travail avec elle.
Bhindi Drayson était une humaine qui parlait du même ton sans appel, et de la même voix trompeusement douce que la regrettée Mon Mothma. Sans doute était-elle originaire du même monde, Chandrila. Bhindi était loin d’être belle. Trop mince, le visage en lame de couteau, ses cheveux noirs et ses yeux sombres lui donnaient un air inquiétant, mais Luke ne sentit aucune menace émaner d’elle. Plutôt une intelligence profonde et calme.
— Etes-vous de la famille de Hiram Drayson ? lui demanda Luke.
L’amiral Drayson était un ancien officier, un chef des services secrets, et un ami de Mon Mothma.
— Sa fille, répondit Bhindi.
— Vous avez une belle histoire familiale.
— Et vous ne savez pas tout…
— Bhindi et Piggy sont nos deux experts en stratégie, dit Face, et Bhindi a appris ce qu’elle pouvait des tactiques yuuzhan vong. Hélas, nous allons la perdre sur Coruscant.
Luke fronça les sourcils, se demandant si Face était à la fois devin et extrêmement maladroit… Puis il comprit.
— Vous resterez là-bas après notre départ ?
Bhindi hocha la tête.
— Je vais y organiser des cellules de résistance.
Luke réprima un frisson. Aller sur Coruscant était déjà un cauchemar. Etre laissé en arrière, au milieu d’ennemis si farouches et si « étrangers »… la perspective n’avait rien d’agréable.
A l’idée de mettre un Maître Jedi mal à l’aise, Bhindi eut un pâle sourire.
La réunion avait lieu dans une salle souterraine du complexe de Borleias. Vu son état impeccable, elle n’avait sans doute pas été découverte par les Yuuzhan Vong durant leur brève occupation. Luke ignorait comment les Spectres l’avaient dénichée, mais on y accédait par un panneau coulissant, au fond d’un laboratoire. Sur les étagères se trouvaient quelques vestiges de matériel biomédical.
Luke aperçut des éprouvettes de culture bactériologique, des injecteurs, des moniteurs… Derrière la salle se dressait une cuve bacta, vide, son transpacier presque opaque tant elle avait été utilisée.
— Allez les enfants ! dit Face, s’asseyant sur un des tabourets de la table principale. Montrons-lui ce que nous avons en stock. Kell, commence.
Tirant vers lui un sac en tissu vert d’environ deux mètres, Kell en sortit un objet qui ressemblait à un bateau miniature. Peut-être large de trente centimètres sur presque toute sa longueur, l’objet s’affinait à l’extrémité. Son ventre rouge était souple et reflétait la lumière. Il fallut à Luke un moment pour comprendre qu’une couche d’un matériau transparent avait été collée sur la surface. Le dessus du « bateau » était gris, avec deux poignées.
Kell le laissa tomber sur la table, devant Face. L’objet fit un bruit sourd en touchant la surface.
Face lança à Kell un sourire sardonique.
— Merci.
— De rien.
Kell se tourna vers Luke.
— Ça fait un certain temps que nous travaillons sur ces engins. Nous les installons dans des coques qui ressemblent à des météorites ou des débris. L’ensemble se comporte comme une nacelle d’intrusion atmosphérique.
Luke sembla sceptique.
— Ce qui veut dire ?
— Qu’il peut amener une personne dans l’atmosphère d’une planète.
— Dans quoi ?
— Dans une coque. La matière rouge est un adhésif… Vous vous mettez debout sur notre petit bijou, en combinaison, vos pieds coincés ici… (Kell indiqua les deux poignées.) Puis vous vous placez sous la coque. Dans la partie inférieure, la nacelle est équipée d’un bouclier qui protège son hôte de la chaleur. A l’intérieur, il y a une unité de répulseurs et une cellule énergétique. Le répulseur permet de garder l’angle voulu lors de la chute. Vous entrez dans l’atmosphère selon l’angle prévu et vous le maintenez jusqu’à la surface. La friction enflamme la coque, conçue pour empêcher l’occupant de frire. La chaleur permet de dissimuler la nature de l’objet aux détecteurs… les nôtres comme les leurs. Quand la coque est détruite, la surface argentée agit comme un deuxième bouclier thermique. L’illusion visuelle reste la même. En bref, un type, sur cette planche, ressemble à un morceau de débris tombant dans l’atmosphère.
— Jusqu’à ce que vous soyez près de la surface, ajouta Face. A ce moment le répulseur fait un dernier effort et vous ralentit de manière à ce que vous vous écrasiez doucement à la surface de la planète.
— « Ecrasiez » ? répéta Luke.
— Doucement.
— Et ces, heu, ces machines ont été testées…
Face jeta un coup d’œil nerveux autour de lui.
— Testées, testées… évidemment. D’ailleurs, à chaque test, nous en apprenons un peu plus et les planches suivantes sont améliorées grâce aux informations fournies par les débris des précédentes…
— Nous sommes certains de notre coup cette fois, dit Bhindi.
Luke la fixa en silence. Bhindi craqua la première, son expression inquiète se transformant en sourire amusé.
— Détendez-vous. Nous avons réalisé de nombreuses entrées dans l’atmosphère, dit Kell, souriant à son tour. Sharr et moi les avons utilisés deux fois, Face et Elassar trois. Nous n’avons encore grillé personne.
Luke secoua la tête.
— Une planche pour se poser sur une planète. Dans le genre mauvaise idée, ça se pose là.
— Nous en avons plein d’autres, annonça Bhindi.
— Suivante, interrompit Face en se tournant vers Baljos.
A son tour, le scientifique sortit un objet d’un sac et le lança sur le « bateau ». On eût dit que quelqu’un s’était amusé à enlever la peau de la tête d’un Yuuzhan Vong et l’avait ensuite recousue, en oubliant le crâne. La chose frémit en touchant la planche, puis resta immobile.
— Un masque ooglith, dit Luke.
— Exactement. J’en suis l’inventeur, précisa Baljos. Enfin, je l’ai développé… J’ai travaillé à partir de masques ooglith pris à l’ennemi…
— Mais celui-ci ressemble à un visage yuuzhan vong.
— Mes masques sont tous différents, et je leur ai attribué des noms. Celui-là s’appelle Brand. Ils font un mal de chien quand on les enlève… Mais on peut les porter pendant des heures, voire des jours, contrairement aux voiles holos dont les batteries s’épuisent en quelques minutes.
— Parfait, dit Luke. Ça nous permettra de nous déplacer sans être repérés.
— Suivant, annonça Face.
Bhindi ouvrit son paquetage, en sortant un objet marron plus ou moins circulaire à l’aspect visqueux.
Luke se pencha pour l’étudier de plus près.
— On dirait une sorte d’algue.
— Nous en serons tous équipés, précisa-t-elle.
— Au cas où nous ayons une petite faim ?
— Ce n’est pas une algue, mais un droïd.
— Vous plaisantez.
— Un droïd semblable à un type d’algue très courant dans les lieux humides des sous-sols de Coruscant. Nous espérons que les Yuuzhan Vong ne les détruiront pas, justement parce qu’ils ressemblent à quelque chose d’organique. D’ailleurs leur extérieur est organique… une sorte de mousse. Leurs circuits sont très protégés. Ces droïds sont aussi dotés d’un réservoir contenant une colle qui leur permet de s’attacher à la surface sur laquelle ils sont posés, et un solvant pour s’en détacher plus tard. Ces charmants engins sont mobiles et leurs détecteurs sont très évolués, comme leur programmation tactique…
— En résumé, expliqua Elassar, ces droïds vont se balader, trouver des installations yuuzhan vong, se glisser à l’intérieur et se relayer les informations obtenues. Ils établiront le relais jusqu’à la surface, et le dernier transmettra les données aux stations de communication qui existent encore…
— Ces informations pourront devenir vitales un jour, expliqua Bhindi. Nos droïds sont proposés en quatre modèles de couleurs et de formes différentes, dont deux qui ressemblent aux plantes modeleuses de mondes des Yuuzhan Vong. S’ils découvrent un de nos « bébés » et détruisent tout ce qui y ressemble, les autres modèles ont une chance d’échapper à leur attention.
— Des droïdo-algues, soupira Luke. Et moi qui pensais que les inventions des services secrets devaient toujours garder une certaine classe.
Face sourit.
— Amusant. C’est ce que vous m’avez dit – en substance – la première fois que nous nous sommes rencontrés.
Luke fronça les sourcils.
— Nous nous sommes déjà rencontrés ?
— Le jour où… Oh, c’est vrai. J’étais déguisé. Vous ne m’auriez pas reconnu.
— Quand ? Ma curiosité est éveillée, maintenant…
— Désolé. L’information est secrète.
— Nous avons aussi quelques jolis spécimens d’armure de crabe vonduun, continua Bhindi, et d’autres qui y ressemblent à s’y méprendre, mais qui sont en matériau synthétique. Du coup, il ne faudrait pas que les Vong s’approchent trop près. Et nous possédons une bonne réserve de tizowyrm – des vers traducteurs.
— Plus des explosifs, ajouta Kell. Des tonnes d’explosifs.
— Et un Jedi, ajouta Piggy, de sa voix rauque.
— Trois Jedi, corrigea Luke. Mara et Tahiri nous accompagnent. Parfait. Il est temps de décider où nous voulons pénétrer dans l’orbite de Coruscant, à quel endroit nous voulons atterrir et quelles sont nos priorités. Si nous sommes assez fous pour entreprendre ce voyage, soyons au moins assez sains d’esprit pour mettre toutes les chances de notre côté…